En stock... livraison sous 24/48 mois

Oui, je vais encore gueuler. Oui, je vais encore pointer quelqu'un du doigt (je ne dirais pas lequel, je vous laisse deviner).

Cette fois, ce sont nos charmants magasins en ligne. En particulier, ceux qui vendent du matériel informatique... prêt pour un lynchage en bonne et due forme?

Internet, c'est rudement bien. On y trouve vraiment de tout. Franchement! DE TOUT. Et ce qui est d'autant plus intéressant, c'est que les prix sont généralement plus bas que dans la boutique du coin et on a pas besoin de bouger son gros cul. Un El-Dorado pour les pires escrocs de la planète... Service minimum oblige! Pas besoin de vendeurs qualifiés, pas besoin de SAV compétent et réactif... le client se démerde comme un grand et s'il y a une couille, il ne trouvera jamais un interlocuteur à engueuler.

S'il n'y avait que ça, à la limite, on s'en balancerait. C'est vrai! Nous sommes tous habitués à se retrouver face à des tronches de zombies aussi motivées que des langoustes ébouillantées, alors autant ne pas avoir à subir ça.

En revanche, lorsqu'on se fout ouvertement de la gueule du monde, là, ça va mal.

Lorsque l'on voit qu'un produit est en stock avec une livraison sous 24/48h, on se dit que c'est un produit qui est disponible. Du moins, le client, il s'imagine que le produit, il est rangé soigneusement (ou pas vu l'état de certains colis) sur une graaaaaaaaaaaaaande étagère, dans un entrepôt au trou du cul du monde et que de gentils lutins n'ont qu'à le descendre des graaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaandes étagères, les mettre dans des cartons, avec l'adresse et un timbre et que le produit, vu qu'il est en stock, donc disponible, arrive le lendemain ou le jour d'après par la poste, au moment que l'on est aux waters ou sous la douche, histoire de devoir aller le chercher le lundi suivant, parce que le lendemain, c'est dimanche, et que la poste ferme à 16h avant la sortie du boulot le jour que le facteur est passé.

Mais non! Ca serait bien trop facile.

En stock, disponible et livraison sous 24/48h sont des principes purement théoriques. Tout d'abord, il faut compter avec la chance. La chance a une influence sur plusieurs facteurs importants: le serveur du site est-il à jour? Si ce n'est pas le cas et qu'un clampin commande la même chose (en stock, disponible et livraison sous 24/48h) que vous, mais 5 microsecondes avant, et qu'il s'agissait par malheur du dernier article de ce type (en stock, disponible et livraison sous 24/48h), vous êtes baisé. Là, il faudra donc vous attendre à un délai de livraison allant de "peu probable" à "jamais" (les sites emploient le terme "3 semaines maximum" afin de désigner ce laps de temps). Si la chance était avec vous jusqu'ici, votre article se trouve probablement dans votre "caddy virtuel", un rien qui ne contient rien en somme, de jolies images et tout un tas de données qui sont là pour vous donner l'impression que vous avez déjà l'article quelque part dans votre ordinateur et qu'il va sortir, comme par miracle, de l'un de ces nombreux orifices.

Si votre navigateur n'a pas encore planté, vous allez désormais vous rendre à la "caisse virtuelle". On vous dit et répète une bonne centaine de fois que tout est sécurisé comme le Vatican, que vous ne craignez rien en entrant tout un tas d'informations personnelles et qui n'ont parfois aucun rapport avec votre commande ou une transaction commerciale en générale, et encore moins en ce qui concerne vos coordonnées bancaires. Tout est crypté, et si vous prenez soin d'éteindre l'écran en tapant, vous ne risquez vraiment rien de rien. N'étant pas stupide, vous décochez un maximum d'options comme un abonnement à Playboy, à Elle, au Journal de Mickey, à la liste électorale du parti socialiste, et surtout... SURTOUT! Vous cochez les cases qui sous-entendent que vos informations ne seront jamais - mais alors franchement... JAMAIS DE LA VIE! - remisent à des tiers, qui viendrons ensuite pourrir votre boite à mails de spam. On y croit très fort. Pour finir cette étape, vous enlevez une bonne dizaine de produits qui sont apparus comme par magie dans votre "caddy virtuel", probablement déposés par mégarde par une "mamie virtuelle" qui a pris votre "caddy virtuel" pour le sien. Ce sont des choses qui arrivent.

Si votre navigateur n'a toujours pas planté, vous avez probablement cliqué sur quelque chose comme "valider ma commande". Vous pouvez désormais choisir le mode de livraison. Plusieurs choix s'offrent à vous: par coursier boiteux et aveugle en sandales romaines, par coursier (incapable de lire une carte) à dos de mulet paraplégique, ou par Rambo dans Supercopter (sous réserve de débourser une certaine somme, équivalente au financement du plein de kérosène pour l'hélicoptère). Ayant hâte de recevoir votre article (en stock, disponible et livraison sous 24/48h), vous optez naturellement pour l'option Rambo/Supercopter, qui vous garantie dur comme fer une livraison le lendemain, au pire le jour d'après, ou si vraiment on est
vendredi, le lundi suivant.

Puis vient le geste le plus douloureux, celui qui consiste à sortir la carte bancaire de son nid douillet. Cet instant est souvent teinté de regrets, de remords atroces, parfois de sanglots... l'écran du navigateur change, et l'on se retrouve sur une page de paiement en ligne d'une des centaines de banques en ligne, digne d'un site de 1982, juste du texte brut et des cases ternes à remplir. Le tout sans fioritures afin de faire croire au client sérieux que vous êtes, que le tout est sécurisé "à mort la vie de ma mère personne ne va te piquer ton pognon". Parce que les images et les décorations, ça fait pas sérieux, surtout au moment de cracher au bassinet.

Après avoir pleuré longuement et remis en question votre intelligence, vous coupez l'ordinateur, vous réconfortant avec la pensée que l'article (en stock, disponible et livraison sous 24/48h), il arrivera certainement demain, au pire le jour d'après, ou si vraiment on est
vendredi, le lundi suivant.

Manque de bol, cher client, les lutins qui préparent les colis, Rambo et Supercopter, ils n'existent pas. Tout comme les garanties et les délais vachement sérieux qu'affichent les sites.

La réalité, c'est ça:

La commande arrive sur un serveur français, qui la fait transiter sur un serveur en hongrie, puis au Soudan. Là-bas, une grosse madame téléphone le lendemain à une autre grosse madame au Pakistan. Celle-ci ne comprend rien et tape n'importe quoi sur son ordinateur qui tourne au crottin de bouc. Ce n'importe quoi arrive, un jour, sur l'ordi de Bernard, chef-magasinier aux 32h, mais à mi-temps. Il imprime le truc et le donne à José. Ce dernier prend une échelle le lendemain et part à la recherche du mystérieux objet qui figure sur la commande de la grosse madame pakistanaise, dans l'entrepôt de 40000m². Cette procédure prend parfois plus de 5 jours. Une fois l'article trouvé, José le remet à Bernard. Bernard prend l'article et le met dans un gros, gros, gros carton, qu'il remet ensuite à Jean-Michel (ou Jean-Mi pour les intimes), qui s'assoit dessus pour boire son café et manger son casse-croute. De là, tout va hyper-vite! Le lendemain, le transporteur arrive pour rapatrier les 2489 paquets... manque de bol, le votre est le seul sans étiquette. Donc retour à Jean-Mi, puis Bernard, qui téléphone à la grosse dame en Gouadeloupe, qui le renvoi à la grosse dame au Pakistan parce qu'il s'est planté de numéro. Celle-ci cherche le bon de commande que son bouc est en train de dévorer, donne l'adresse à Bernard, qui la donne à Jean-Mi, qui la note sur un sticker, qui colle le sticker sur le carton, et le donne - ENFIN! - au transporteur, qui le livrera au pire le jour d'après, ou si vraiment on est
vendredi, le lundi suivant.

Voilà comment ça se passe réellement lorsque vous passez une commande sur un site sur internet.